(lettre ouverte aux décideurs, aux professionnels de santé et aux patients)
Une surenchère de mesures punitives, coercitives et liberticides
Depuis plusieurs mois, nous assistons, médusés, au dépôt au Parlement d’une succession de textes visant directement les professionnels de santé. Les derniers en date — le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 et le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales — s’inscrivent dans une inquiétante surenchère de mesures punitives, coercitives et liberticides à l’encontre de celles et ceux qui soignent.
Des mesures sans aucune cohérence, sans vision globale, sans réflexion stratégique à long terme qui ne résoudront pas les problèmes structurels de notre système de santé.
Cet empilement de mesures démagogiques tente de répondre aux inquiétudes et à la colère légitime de leurs électeurs, confrontés à des difficultés croissantes pour accéder aux soins, à tous les soins, partout, et à tout moment.
Mais cette crise de l’accès aux soins n’est pas née d’hier. Elle est la conséquence directe de choix politiques faits depuis plus de quarante ans.
Une erreur historique : avoir organisé la pénurie de soignants
Pendant des décennies, le monde politique s’est enfermé dans une croyance aussi fausse que dramatique : celle selon laquelle il fallait former moins de professionnels de santé pour réduire les dépenses de santé. Avec ce mantra : moins de professionnels de santé signifie donc moins de soins à rembourser.
Quel raisonnement inepte !
C’est ainsi que l’application d’un numerus clausus couplé et de nombreux départs à la retraite ont mécaniquement conduit à une pénurie de soignants dont les Françaises et les Français sont aujourd’hui les premières victimes.
Car c’est bien le pouvoir politique — et lui seul — qui a fixé ce numerus clausus pendant toute ces années en décidant du nombre de professionnels de santé à former chaque année. Ce sont donc les Gouvernements successifs qui ont organisé la raréfaction des soignants en pensant réaliser des économies dans les dépenses de santé. Et aujourd’hui, les mêmes responsables, ou leurs successeurs, tiennent un discours culpabilisateur, désignant les professionnels de santé comme bouc émissaires d’une situation qu’ils ont eux-mêmes créée.
Quelle lâcheté !
Des mesures contre-productives
Pour donner l’illusion d’agir, le pouvoir politique multiplie les annonces et les textes à caractère coercitif. Mais cette fuite en avant ne réglera rien. Au contraire, elle risque d’aggraver encore la crise.
Pensez à l’état d’esprit des soignants. À force d’être stigmatisés, surveillés, sanctionnés et contraints comment voulez-vous qu’ils continuent à exercer leur métier avec passion, dévouement et sérénité ?
Cette politique de suspicion permanente produit insidieusement des effets ravageurs sur les vocations : n’observe-t-on pas déjà une baisse du nombre d’inscriptions dans certaines filières de santé ? N’assiste-t-on pas à une fuite croissante de nos soignants vers des pays plus accueillants, où leur engagement est reconnu et respecté ?
Un signal d’alarme
La brutalité et l’hostilité des mesures qui frappent les professionnels de santé traduisent une véritable maltraitance institutionnelle à notre encontre.
Si le Parlement persiste à voter mesure liberticide après mesure liberticide, les conditions pour exercer une profession de santé libérale en France ne seront bientôt plus réunies. Les nouvelles générations auront alors raison de chercher ailleurs des conditions d’exercice respectueuses de leur travail, de leur expertise et de leur dévouement. La multiplication de vos mesures iniques les y encourage chaque jour davantage.
N’oubliez pas cette évidence, sans soignants, il n’y a pas de soins et il n’y a plus de système de santé.
Nous appelons à un sursaut de lucidité et de courage
Nous demandons aux responsables politiques d’avoir le courage de reconnaître les erreurs qui ont été commises et de ne pas prendre le même chemin, celui des décisions électoralistes, simplistes et irréfléchies.
Qu’ils cessent de désigner de faux coupables pour masquer leurs propres incohérences ou insuffisances.
Qu’ils rétablissent un dialogue sincère et constructif avec les professionnels de santé.
Qu’ils travaillent à la recherche de solutions avec les professionnels de santé et non contre eux.
Qu’ils comprennent, enfin, que restaurer l’accès aux soins ne passe pas par la contrainte, mais par la confiance, la liberté d’exercice, et la reconnaissance de celles et ceux qui font vivre, chaque jour, notre système de santé.








