Mars 2020.
Frappée par la pandémie, la France est confinée et s’arrête de fonctionner.
Un soutien financier massif et inédit est alors apporté par l’Etat pour soutenir l’économie française.
Parallèlement, plusieurs professions de santé sont contraintes de cesser leur activité pendant cette période. Les professionnels de santé libéraux bénéficieront d’un dispositif sur mesure mis en place par l’Assurance maladie afin de couvrir une partie des charges des cabinets malgré la baisse voire l’arrêt total d’activité du fait de cette première période de confinement. Cette aide, versée sous forme d’acomptes, prévoyait en fin de période un calcul définitif qui donnerait lieu soit au versement du solde, soit à la récupération d’un éventuel trop-perçu.
Eté 2021.
L’Assurance maladie demande à un très grand nombre de professionnels de santé de restituer tout ou partie des sommes perçues. Et pour ceux qui ne doivent pas les rembourser, beaucoup n’ont pas droit à la totalité des aides calculées initialement.
Or, les modalités de calcul appliquées par l’Assurance maladie se révèlent être iniques et arbitraires. Le mode de déclaration du téléservice mis en place au plus fort de la crise était basé sur un calcul mensualisé et non pas globalisé sur une période dépassant même celle du confinement, dont la durée était inconnue alors.
Le changement unilatéral du mode de calcul de cette aide, six mois plus tard, modifie considérablement les sommes des aides initialement calculées.
Le problème majeur reste l’intégration des périodes d’après la fin du premier confinement dans le calcul global.
Cette spécificité n’est pas appliquée aux autres secteurs d’activité (restaurateurs, loisirs, entrepreneurs, commerçants…).
Ce procédé, déloyal, est d’autant plus choquant que les professionnels de santé libéraux se sont massivement impliqués dans la gestion de la crise sanitaire aux côtés des acteurs publics, mettant parfois en péril leur activité, leur vie familiale et leur propre santé. Aujourd’hui, ils sont pénalisés pour avoir recommencé à soigner les Français. Le pacte de confiance qui unissait l’Etat aux professionnels de santé libéraux se délite. Il ne tient plus qu’à un fil.
C’est pourquoi, avant qu’il ne cède, nous en appelons à une intervention immédiate de l’Etat pour corriger cette méthode de calcul injuste et inéquitable.
Techniquement que s’est-il passé ?
1/ Tout d’abord, la CPAM a fait une application erronée de l’article 2 du Décret n° 2020- 1807 du 30 décembre 2020 relatif à la mise en œuvre de l’aide aux acteurs de santé conventionnés dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid-19, s’agissant du plafond des honoraires tirés de l’entente directe à prendre en considération au titre de l’année 2019.
La CPAM a en effet pris en considération un plafond globalisé de ces honoraires à hauteur de 30 275 € pour toute la période allant du 16 mars au 30 juin 2020, alors que l’article 2 dudit décret impose la prise en compte d’un plafond mensuel fixé à 8 650 € par mois :
« Pour les chirurgiens-dentistes, les montants des honoraires à déclarer sont majorés des honoraires tirés de l’entente directe tels que définis dans leur convention dans la limite de 8.650 euros par mois à due proportion de la période mentionnée au 1° de l’article 1er du présent décret. »
Cette lecture biaisée du texte fausse le calcul de l’aide définitive sur lequel s’appuie la demande de reversement de la CPAM.
2/ Par ailleurs, il apparait que la CPAM a commis un certain nombre de fautes, faisant obstacle à toute demande de régularisation.
En premier lieu, cette régularisation a été réalisée sur le fondement du décret précité du 30 décembre 2020, qui n’était pas en vigueur durant la période de crise, lorsque le calcul du montant de l’aide a été réalisé et que celle-ci a été versée.
Il en résulte que les calculs initiaux ont été réalisés sans aucune base juridique.
En application du principe de non-rétroactivité des actes administratifs la CNAM ne peut
fonder sa demande de régularisation des aides versées sur le fondement de ce texte.
En deuxième lieu, ce calcul a été réalisé, et cette aide a été versée, sur la base du service de télédéclaration mis à la disposition des professionnels de santé par les services de la CNAM.
Ce sont donc les services de la CNAM qui ont réalisé le calcul du montant de l’aide à verser, selon les modalités qu’elle s’est fixée, sans que les professionnels de santé ne puissent en vérifier l’exactitude à défaut de toute base juridique.
Ce sont ces mêmes services qui ont réalisé les calculs présentés à l’appui de la demande de reversement de trop-perçu.
La différence entre ces deux calculs dénote donc, à tout le moins, une erreur dans l’application des modalités de calcul que la CNAM s’était elle-même fixée, soit au moment de l’instruction initiale de l’aide, soit au moment du calcul définitif.
Dans les deux cas, les professionnels de santé ne peuvent en aucun cas être tenus responsables ni subir les conséquences de telles erreurs.
En troisième lieu, les outils de calcul mis à la disposition des praticiens par les services de la CNAM, puis le versement effectif des aides en fonction des montants obtenus ont induit les praticiens, de bonne foi, en erreur sur le montant exact des aides auxquelles ils avaient droit.
La jurisprudence retient la responsabilité de l’administration qui commet de telles erreurs, et rejette les demandes de reversement de trop-perçu, (à titre d’exemple, CE 16 décembre 2009, N°314907).
3/ Enfin, et en tout état de cause, en procédant au versement de l’aide au montant retenu en période de crise selon vos propres calculs et sans aucune base légale, la CPAM a pris une décision créatrice de droit.
En application de l’article L.242-1 du Code des relations entre le public et l’administration, cette décision ne peut désormais plus être abrogée ni retirée.
Il est inique de demander de rembourser des sommes versées par la sécurité sociale après un calcul réalisé par cette même sécurité sociale, en changeant le mode de calcul (inconnu jusqu’alors) 6,5 mois après le versement des dites sommes. Surtout que, dès le départ, un montant avait été mis en réserve pour gérer les effets de bordures et d’erreurs « de bonne foi » de déclaration en ne versant que 80% des aides calculées.
Résultat 53% des chirurgiens-dentistes sont amenés à rembourser les aides versées, représentant 83000 professionnels de santé sur 200 000.
Au vu de ce qui précède, les praticiens de santé concernés contestent donc cette demande de régularisation.